Quand le froid m’étreint

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Je sais que je dis ça à chaque planche ces derniers temps, mais la randonnée va donc ENFIN commencer !

J’ai pris beaucoup de plaisir à dessiner cette planche. Chaque case est très différente et demande une façon de faire particulière, de la conception à l’encrage.

Un test d’encrage

makingofJ’avais expliqué auparavant combien encrer une scène de nuit me stressait. Je ne me suis donc pas lancé dans l’encrage sans bouée de sauvetage. J’ai réalisé d’abord un test sur calque, afin de déterminer si mes idées étaient les bonnes ou pas et quel rendu j’obtenais réellement.

Le risque majeur était de mettre trop de noir, écrasant le trait et les volumes. Cela aurait été dommage, mais comment utiliser au mieux les aplats de noir et les hachures ? Une fois le calque posé sur la feuille, je réalise un encrage des traits au feutre noir. Le but n’est pas d’être précis, mais rapide. Les tests d’encrage ne sont pas nouveau chez moi, je l’avais déjà fait pour la Chasseuse d’Hommes (voir un des numéros de la newsletter) ou même pour Jotunheimen :

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Feutre, plume, pinceau… Tout y passe !

Au niveau des tests, le but n’est donc pas de réaliser la case et de voir si ça fonctionne mais d’essayer plusieurs techniques.

Encrage_02Je me suis d’abord attelé aux rideaux. En effet, la case, avec son point de fuite centrale, est déjà bien aplatie. Seuls la fenêtre et ses rideaux donnent pas mal de volume, aussi bien par la perspective que par le fait qu’ils soient moins « droits ».

J’ai donc rapidement hachuré le tout en essayant de poser les lumières correctement. Aplats de noir pour la barre, hachures pour le rideau, l’équilibre paraît juste.

Reste à savoir comment poser ma lumière intelligemment. Normalement, il n’y a pas de source particulière dans le refuge puisqu’on est la nuit et que les rideaux sont fermés. Si on veut être cohérent, il ne fait pas vraiment noir la nuit en été en Norvège puisqu’on n’est pas très loin du cercle polaire. Mais comme on est ici dans une bande-dessinée, on peut interpréter ! J’ai donc imaginé une source de lumière à droite (c’est-à-dire au niveau de l’entrée), comme les lumières indiquant les issues de secours. Une fois le test terminé, je déciderai de recentrer la lumière, ce qui correspond plus au choix de mise en scène de la planche.

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La lumière vient de la droite. Pas top.

Le plafond reste un souci à gérer. Je le veux noir . Mais comment éviter un gros aplat sans vie ? J’ajoute un arrondi classique pour donner un volume moins marqué est essaye de le mettre en aplat noir (à gauche) et en hachures (à droite). Comme rien ne me va, j’ajoute un liseré blanc (au crayon, non-visible sur le scan). C’est la solution qui sera finalement retenue.

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Test 1 – Test 2 – Version finale

On peut retrouver le même test pour les banquettes du bas, autre souci. Je voulais d’abord tout mettre en noir, mais je perdais toute notion de volume. J’ai donc décidé d’ajouter le même liseré blanc. Celui-ci est donc une interprétation, puisqu’il ne correspond en rien à une notion de lumière.

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Une fois les choix actés, il ne me restait plus qu’à encrer les deux cases correspondantes. Voilà le comparatif entre les deux versions :

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L’encrage final est réalisé à la plume (trois tailles de plume différentes). Les aplats sont réalisés au pinceau (au feutre pinceau pentel pour être précis)

Je termine cet article pour vous rappeler que je serai au We Do BD demain de 15h à 17h au Carreau du Temple à Paris avec le Culture Zine. Venez nombreux nous voir !

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La rentrée, ça décalque

makingofCe qui est bien à la rentrée, c’est que les cours reprennent. Avec grand plaisir, j’ai retrouvé l’atelier BD qui va me permettre de booster ma productivité. Cela faisait une semaine que j’attendais de retrouver une table lumineuse afin de dessiner ma prochaine planche. Cette dernière propose en effet un plan fixe de trois cases. C’est donc exactement le même décor, vu du même point, qu’il faut dessiner trois fois (à quelques nuances près quand même).

Dessin – Calque – Table lumineuse

Réaliser le décor n’était pas trop difficile puisqu’il est construit sur une symétrie centrale. C’était juste laborieux. Une fois que c’était fait, j’ai décalqué l’ensemble. Puis, à la table lumineuse, je l’ai reproduit dans les deux autres cases, apportant les retouches nécessaires. J’ai simplement ajouté les personnages et les textes en toute fin de production.

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Le décor basique sans accessoires ni texture.

Pour la première case, j’ai réalisé le personnage sur le calque, ayant peur d’effacer trop de parties de décors. J’ai déjà parlé de cette technique, adaptée lorsque l’on dessin son décor avant le personnage. Pour les deux cases du bas, les personnages sont vraiment intégrés au décor et ont été faits directement sur la planche.

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Ajouts du personnage en premier plan et affinage de certains détails.

Il ne me reste plus qu’à encrer la page, ce qui est plus facile à dire qu’à faire. En effet, j’aimerais une ambiance de nuit pour les cases 2 et 3 et je suis incapable de faire ça… Voilà le résultat actuel avec un décor densifié et plus fourni en détail.

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Travaillons notre anglais

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Voilà enfin le retour d’Alexis ! Premier refuge à l’accueillir, Gjendesheim !

Les parties en anglais sont faites exprès. C’est un choix d’artiste, certes un peu élitiste, mais qui est là pour plus de réalisme. Et j’ai toujours détesté les BDs qui mettaient des textes en anglais et les traduisaient en bas de page. L’idée ici est de partager le désarroi d’Alexis, si vous ne comprenez pas tout c’est pas très grave.

Autre chose : si j’ai fait des fautes de syntaxe en anglais, n’hésitez pas à me les signaler. Tel Alexis, je ne suis pas vraiment bilingue.

La randonnée démarre enfin

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Après une pause estivale pour s’aérer l’esprit et retravailler le storyboard, il était temps de revenir aux affaires sur Jotunheimen. Ça tombe bien, car c’est justement l’arrivée d’Alexis dans le bien-nommé Jotunheimen qui va relancer la machine. On commence donc enfin la randonnée !

Je profite de l’occasion pour rappeler (ou apprendre) que j’ai ouvert un Tumblr absolument déserté appelé L’atelier de Belzaran sur lequel je mets des crayonnés. N’hésitez pas à y faire un tour de temps en temps. Je signale les publications dessus sur Facebook, mais tout le monde n’y traîne pas !

Un peu de détente après la marche

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Avec la rentrée scolaire, il est temps pour moi de me remettre à Jotunheimen. Mais plutôt que de faire une planche, je me suis dérouillé le poignet en dessinant Laura, elle qui possède une sensualité toute… animale !

Plus sérieusement, comme pour beaucoup d’illustrations, j’en profite pour travailler le trait au pinceau. Si je reviens plus tard à un dessin moins réaliste, j’espère pouvoir réaliser un projet au pinceau, car c’est de loin le trait que je préfère.

Ici, j’ai essayé de bien travailler les épaisseur de trait pour mieux donner les volumes. Par exemple, les traits sont plus épais lorsqu’ils correspondent à une zone plus sombre (souvent vers le bas, assez logiquement). L’un des raté est le haut du mollet du dessus, trop épais alors que très lumineux. Ce n’est pas encore parfait, mais je commence à progresser.  Voilà la version noir et blanc :

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Pour l’aquarelle, j’ai fini par saisir qu’il me fallait poser un fond d’ensemble. J’ai donc acheté le pinceau adéquat et les illustrations ont ainsi un peu plus d’ambiance. Il faut ajouter à ça que je dessine mes aquarelles uniquement sur du papier 300g/m² pour que ça arrête de gondoler. Je mets beaucoup moins de temps à scanner et à retoucher ensuite.

Sous la douche

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De retour de vacances, où le dessin n’a pas été au centre de mes préoccupations. Mais malgré tout, j’ai réalisé quelques illustrations de Laura, des croquis de vacances, du storyboard…

Évidemment, les illustrations de Laura la montre en petite tenue (allez savoir pourquoi). Ici, la voilà partir sous la douche, pudiquement en maillot de bain. Le tout au pinceau, c’est plus sensuel.

La deadline est lancée pour le festival Quai des bulles de Saint Malo et son concours jeune talents. J’ai n’ai qu’une petite semaine pour réaliser deux planches… Youhou ! D’ailleurs, si des Bretons sont parmi vous, sachez que je me rendrai à Saint Malo cette année (en tant que lecteur bien évidemment).

Un peu de symétrie

Larticle_analyse‘intérêt de travailler sur une bande-dessinée à la mise en page « classique » est de pouvoir la modeler. La mise en scène se révèle alors plus ambitieuse et permet des expérimentations plus intéressantes que le simple alignement de cases ou le gaufrier.

Retour sur la dernière planche publiée de Jotunheimen (la seizième donc). Cette page est destinée à montrer le personnage effectuer une correspondance en car au milieu de nulle part. Voilà le magnifique scénario correspondant tel qu’il est griffonné dans mon classeur. Si vous voulez éviter les spoils, ne lisez pas tout en bas (même si ça ne raconte pas grand chose).

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Le cheminement est donc le suivant :

  1. Alexis est dans le car n°1
  2. Alexis descend du car n°1
  3. Alexis attend le car n°2
  4. Alexis monte dans le car n°2
  5. Alexis est dans le car n°2

On remarque à la simple lecture du cheminement qu’il y a une symétrie centrale dans cette page. Le point 3 est le point de symétrie de la scène. J’ai ainsi eu l’idée de créer un point de symétrie également dans la planche. Et cela, dès le début. Car votre esprit aiguisé a tout de suite remarqué, dans le scénario, le détail suivant :

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Même si cela ne change pas grand chose dans la lecture, il me semble que ce genre d’effet crée, inconsciemment, un renforcement de la narration.

De la bande-dessinée en palindrome.

C’est en lisant l’ouvrage « Lire la bande dessinée » de Benoît Peeters que je découvre cette construction, dite en palindrome, des planches ou des albums. Pour rappel :

Palindrome : figure de style désignant un texte ou un mot dont l’ordre des lettres reste le même qu’on le lise de gauche à droite ou de droite à gauche.

Deux récits sont alors cités, qui vont me marquer. Le premier, assez incroyable, est « The Upside-Downs of Little Lady Lovekins and Old Man Muffaro » de Gustave Verbeek (même le titre de l’oeuvre semble être à double-sens…). L’auteur propose 64 planches de 6 cases qui peuvent être lues à l’endroit ou… à l’envers ! La prouesse de narration et graphique est incroyable !

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Dans la même lignée, les frères Luc et François Schuiten proposent, pour le troisième tome de leur série « Terres creuses » un ouvrage ou il existe un basculement en milieu d’album. Les planches deviennent alors symétriques aux précédentes. Après 36 planches, on passe à la planche 36′, puis 35′, etc. Le titre, « Nogegon » est d’ailleurs un palindrome.

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Plus modestement, je me suis appliqué à l’appliquer sur une planche où cela me paraissait pertinent. Alexis devient donc le point central et de symétrie de la planche. C’est ainsi que j’aboutis à un storyboard qui reprend cette idée.

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Je vous laisse apprécier les différences avec la planche finale, souvent mineures mais essentielles :

  • Case 2 : la vue de loin permet de montrer qu’on est dans un coin perdu
  • Case 3 : la vue de face crée un face-à-face entre Alexis et les autres passages. Cela renforcement son isolement, mais aussi sa différente façon de voyager.
  • Case 5 :  simple changement de côté pour éviter la redondance avec la case 6 (particulièrement visible sur le storyboard !).

Le résultat est le suivant, avec le point de symétrie central :

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Le comparatif case à case rend la symétrie encore plus évidente. Le premier parallèle montre Alexis assis dans le car. Ce sont les « avant » et « après ».

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Le deuxième parallèle montre le dialogue Alexis-chauffeur. Alexis est dans le questionnement, une pointe de stress. Le chauffeur est, lui, évidemment, dans la décontraction, créant un décalage et renforçant l’image d’un personnage un peu angoissé sur les bords.

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Le troisième parallèle montre des cases sans dialogues, où le contraste entre le car et Alexis est mis en avant. Le héros apparaît en grisé, se situant dans un plan clairement différent que le car. Cela renforce l’isolement, Alexis ne se sentant plus en sécurité une fois hors du car, le véhicule étant vu comme un forme de cocon protecteur.

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La case centrale, qui sert de point de symétrie, sort du cadre pour imposer sa présence. Elle sert également d’axe de symétrie : la partie haute et basse se répondent de façon évidente (le haut pour le premier car, le bas pour le deuxième).Symetrie_05

L’usage d’une case longue et peu haute permet d’intensifier l’impression d’isolement du personnage.

Cette planche a été conçue d’une manière particulière. Plus originale que la plupart des planches, il est bon d’intégrer ce genre de réflexion à la création, afin de pousser un peu plus loin son projet. Pour cela, rien de mieux que de lire et relire de grandes bande-dessinées et des ouvrages d’analyse de ces mêmes ouvrages. Ça stimule l’imagination et pousse à être plus ambitieux pour ses projets, fussent-ils confidentiels.

 

Quelques sources sur les projets cités :

Lire la bande-dessinée de Benoît Peeters
Un livre passionnant à lire absolument ! Cela regroupe les analyses des planches et ouvrages les plus novateurs de la bande-dessinée. Très stimulant pour les auteurs.

Critique de Nogegon de Luc et François Schuiten chez kUlturOpat.