Je vous présente mon dernier texte d’atelier d’écriture. Thème : Records & exploits Durée : 50 minutes
Il régnait cette année en salle des professeurs une morne ambiance. La fenêtre ne fermait plus, la photocopieuse se révélait capricieuse et les ordinateurs mettaient plus de dix minutes à s’allumer. Quand la cafetière avait lâché, j’avais su qu’il me fallait agir. Je ne pouvais laisser mes collègues sombres dans ce marasme. Nous n’avions plus envie de rien. Plus de motivation, plus aucun entrain. Ces professeurs, usés par les réformes successives et vint ans d’échecs pédagogiques étaient prêts à jeter l’éponge, à se vautrer dans le je-m’en-foutisme. Je me suis alors rappelé mes années de stage en usine, là où s’affichait en grand le nombre de jours passés sans accident. Le compteur montait et montait et j’avais vécu le choc de sa remise en zéro. Nous nous étions tous projetés vers l’avenir : combien de temps nous faudrait-il pour retrouver le score précédent ?
Je m’aperçois que j’avance dans mes recherches artistiques lorsque je sens des ponts avec d’autres oeuvres. Après avoir parlé de mon amour pour le naturalisme (j’aurais d’ailleurs d’autres choses à ajouter sur le sujet !), j’ai été marqué récemment par l’œuvre de Françoise Pétrovitch.
Françoise Pétrovitch est une artiste plasticienne qui dessine, peint et sculpte. On va s’intéresser essentiellement à la première partie, n’étant moi-même pas du tout attiré par la sculpture ! J’ai découvert son œuvre suite à son exposition au Musée de la vie romantique (Aimer rompre, 2023). Ayant été séduit par son art, j’ai enchaîné avec son exposition à la galerie Semiose (Dans mes mains, 2024).
Les œuvres présentées par Françoise Pétrovitch sont de grandes toiles assez éloignées de mes petites peintures. C’est sur le sujet que des recoupements m’ont paru évident. La peintre s’intéresse beaucoup à la représentation de personnes, notamment adolescentes (on ne peut pas vraiment parler de portrait). Ils peuvent être seuls ou à plusieurs. Lors de l’exposition Dans mes mains que j’ai senti un rapprochement avec mon propre travail.
Sur ces deux peintures, on voit bien la différence de traitement. Il y a peu de paysages et d’arrière plan chez Petrovitch je travaille d’avantage en matière. C’est très différent comme approche. Mais le sujet ici est identique : peindre quelqu’un sur son portable.
L’artiste semble avoir la même fascination pour les moments à attendre, ce qui fait écho à ma série sur l’ennui. Et même si la technique et le rendu est différent, on retrouve des compositions ou des poses identiques.
Enfin, l’artiste peint plusieurs tableaux avec deux ou trois personnes, des représentations de jeunes gens en groupe. Même si ceux-ci n’interagissent pas (même avec les regards), cela m’a fait pensé à ma série sur la sororité. Les compositions sont cependant plus éloignées, car à l’inverse j’essaie de mêler les corps.
Depuis quelques temps, je me cherche en tant que peintre. Depuis quelques temps, j’ai l’impression de me trouver de plus en plus. Cela passe aussi pas la découverte d’artistes qui, de par leur technique et/ou leurs sujets me font prendre conscience de ce qui fait ma personnalité. Françoise Pétrovitch aura été l’une d’eux.
Aujourd’hui, j’ai le plaisir de vous présenter Sex Education. Ce n’est pas une nouvelle chanson, mais un nouvel enregistrement. J’ai en effet acquis une carte son externe qui m’a permis de rattraper les 15 ans de retard que j’avais sur mon matériel d’enregistrement… Désormais, mes morceaux sonnent moins « garage » et beaucoup plus propres.
C’est exceptionnel, mais j’ai réalisé cette aquarelle dans la même journée. D’habitude, je fais un premier croquis au crayon, je le retouche plus tard puis, une fois terminé, je commence l’aquarelle où je mets les premières couleurs d’ensemble avant de les contraster et affiner ensuite. En soit, la durée de création n’est pas forcément plus longue, mais chaque étape est étalée sur un jour différent. Là, l’absence de détail sur le personnage et la simplicité du décor m’a poussé à terminer la peinture dans la journée.
J’avais abandonné cette peinture alors que je n’avais pas encore terminé le dessin. Des mois plus tard, la voilà terminé. Comme quoi, il ne faut jamais dire jamais !
C’est avec joie que je vous montre cette peinture. Pourquoi ? Parce que je l’ai commencée mi-novembre et que j’en arrive à peine à bout ! Son grand format et son sujet m’ont posé beaucoup de problèmes, tant dans le dessin que dans la mise en couleurs. Surtout, j’ai eu un blocage psychologique avec une grande peur de passer à l’aquarelle.
Pour ce portrait à l’aquarelle, j’ai pris une nouvelle fois un modèle avec des lumières franches et une partie du visage assez importante que je laisse entièrement en blanc.
Étant donné que j’ai déjà publié une forme de bilan de mes activités il y a peu, ce bilan sera plus court que les précédents. Mais il est toujours bon de faire un petit point sur l’année passée pour bien préparer la suivante et aborder les nouveaux projets avec lucidité.
Statistiques
Mon plugin de statistiques est tombé en rade, il n’y aura donc pas de statistiques sur la fréquentation du blog. Cela faisait depuis 2010 que je tenais les comptes des visites chaque jour… J’aurais dû vivre ça comme un cataclysme, cela n’a pas été le cas. La baisse continuelle du nombre de visiteurs était plus déprimante qu’autre chose depuis des années, ne pas la voir est finalement une bonne chose pour ma motivation. Au début de l’année, quand mes statistiques étaient encore en fonctionnement, la décrue continuait implacablement…
Sur les réseaux sociaux, la tendance est à la constance. Si Facebook augmente, c’est à cause de comptes bizarres qui ne me suivent pas vraiment. Là aussi, cette statistique perd de son sens. Sur Twitter, c’est stable alors que sur Instagram, la croissance est toujours aussi poussive. Bref, rien de vraiment nouveau. Malgré tout, l’année dernière je me plaignais de ne pas passer le cap des 400 followers sur Insta, c’est fait désormais.
J’ai une nouvelle fois tenté de m’inscrire sur un réseau social pour dessinateur (dont j’ai oublié le nom), mais ce n’était pas adapté pour moi en terme de production et de génération (très orienté character design et manga). Seule le site WeoneArt m’apporte un peu de visibilité et de retours, ce qui fait toujours plaisir à lire.
Créations
Les statistiques, ce ne sont pas que les lecteurs, ce sont surtout des œuvres ! Cette année 2023 a vu pas mal de petits nouveaux :
Publication de la BD La Prépa
Publication du roman Le Cimetière des Éléphants
Publication du recueil Les Territoires interdits
S’il y a une forme de concours de circonstances pour ces publications (La Prépa a été terminée en 2021, publiée en 2022 par exemple), c’est un bel accomplissement. Tout ce travail effectué en amateur, sur le temps libre, pendant si longtemps (La Prépa, 4 ans de travail, Le Cimetière des éléphants, 2 ans de travail, Les Territoires interdits 4 ans d’atelier) est enfin récompensé !
Au niveau des ventes, ce n’est pas folichon bien évidemment. La Prépa a été vendu à ce jour à 31 exemplaires (soit 20 de moins que Jotunheimen), dont une partie a été offerte. Ça reste honorable vue la quasi absence de promotion de ma part… On ne se refait pas.
Pour Le Cimetière des éléphants, c’est bien sûr une semi-déception cette publication. En effet, le livre n’a pas trouvé preneur chez les éditeurs. Je me disais lors de son écriture qu’il me fallait aller au bout de mon premier roman, car celui-ci n’était jamais édité. C’est maintenant chose faite !
Mine de rien, ce travail d’édition et tout ce qu’il implique (jusqu’aux dessins des dédicaces et aux passages à La Poste) font partie du « temps de travail » de l’artiste qui a joué aussi sur ma création. Rien que pour les livres, il m’a fallu les relire complètement, les corriger, les faire imprimer, les relire une nouvelle fois…
À côté de ces publications, j’ai continué à peindre et dessiner cette année :
C’est assez proche de ce que j’avais fait l’année dernière. Les 6 pages de BD se transforment en 3 peintures à l’acrylique. Sachant que j’ai travaillé davantage sur de plus grands formats, je suis content de maintenir cette production. Parfois, j’ai l’impression que je pourrais faire plus, mais cela reste satisfaisant.
Je suis resté dans la dynamique de l’année 2022. J’ai cherché à développer des séries, sans que cela soit sclérosant. Par exemple, la série Sororité présente des femmes ensemble. J’aime beaucoup ces compositions complexes. Elles me demandent du temps, mais je suis fier du rendu final. La difficulté est avant tout de trouver des modèles en photo pour les réaliser.
En parallèle, je continue mes portraits « simples » où je cherche à capturer une expression, un visage, et à travailler la ressemblance. Je fais des progrès, même s’ils sont moins flagrants que les années précédentes.
Une nouvelle fois, j’ai participé à l’Inktober. Cela a été une belle réussite d’aller au bout de cet exercice. On ne réalise pas toujours combien il est difficile de se tenir à un croquis réalisé par jour. Pour éviter tout blocage, je n’avais pris absolument aucun thème et je me donnais moins de 5 minutes pour choisir un sujet.
Ma production est devenu une sorte de création en parallèle. J’ai actuellement terminé une aquarelle alors qu’une autre attend d’être finalisée et qu’une acrylique traîne dans un coin, patientant qu’il y ait du soleil pour être avancée.
À côté du bloc graphique, j’ai également fini d’écrire le premier jet de mon deuxième roman, L’Arbre foudroyé. Il est actuellement en relecture par de (gentils) bêta-lecteurs. Il tentera lui aussi le passage par l’édition classique. Deux fois plus court que Le Cimetière des éléphants, il m’a fallu deux fois moins de temps pour l’écrire !
Étant donné ma production de cette année, je pense que c’est confirmé que, pour l’instant, la BD s’est terminé pour moi.
Cette année a vu également ma production musicale s’intensifier. C’est pour moi un grand bonheur de revenir avec autant de force vers mes premiers amours créatifs. J’ai investi dans du matériel en 2023 et je devrais bientôt arriver avec des créations à vous proposer.
Projets
Mon gros projet de cette année est mon roman L’Arbre foudroyé. En bêta-lecture actuellement, il me faudra le corriger/modifier suite aux retours que j’en aurais, puis je le proposerai aux maisons d’édition (avec tout le travail que ça demande : impression des tapuscrits, rédaction des lettres d’intention, etc). Comme je l’ai déjà fait une fois, j’espère que cela sera moins douloureux !
En parallèle, je travaille sur l’écriture de mon troisième roman, sans titre valable actuellement. C’est un livre inspiré de mes années d’étudiant qui traitera notamment de la création musicale. Je le vois actuellement comme une fusion de mes deux premiers livres. J’espère profiter de l’expérience que m’ont apportés ces deux projets pour les injecter dans celui-ci.
En terme de peinture, je tiens évidemment à continuer mes productions. Pas de projet en particulier. Je ne cherche pas à vendre, à exposer, je le fais pour mon pur plaisir. Un de mes grands blocages est de trouver des photos qui m’inspirent. Quand je fais de la construction à partir de bouts d’images, c’est souvent assez raté dans la composition finale, notamment au niveau des lumières, comme pour cette peinture :
Pour cette idée de peinture, j’ai d’ailleurs une autre composition en tête, mais impossible (pour le moment ?) de trouver une photographie satisfaisant pour la peindre. Je passe parfois des heures à chercher des images, en vain. Une belle perte de temps.
Au niveau musical, j’aimerais enregistrer un mini-album (4-5 morceaux). C’était mon objectif de cet été, puis de l’année… J’ai pris un peu de retard car j’ai décidé d’enregistrer les parties à la basse alors qu’avant j’utilisais une basse programmée. Il me faut donc du temps en plus, mais le résultat final est bien meilleur.
J’ai plusieurs démos enregistrées déjà. J’ai gagné en efficacité et je devrais pouvoir enregistrer bien plus vite et souvent qu’auparavant. Pour faire simple : j’enregistre en prise directe sur l’ordinateur (et non plus avec un micro), ce qui me permet d’enregistrer des guitares le matin ou la nuit…
Voilà pour ce bilan de l’année. Un bilan reluisant au niveau des publications, beaucoup moins sur le point de la notoriété. Je continue cependant à bâtir une œuvre protéiforme, dans mon coin, où tout se rejoint et se complète. Merci à vous qui êtes là pour me soutenir, même en silence.
J’ai été plutôt occupé ces derniers temps, je suis heureux d’avoir enfin terminé une nouvelle peinture.
Vous pourrez remarquer que le scan sur les parties grises sont assez dégueulasses. Il faut dire que j’ai mon ancien scanner qui a claqué et j’ai dû en acheter un autre. Il est intéressant de voir qu’au même prix, un scanner est moins bon que celui qui date d’il y a 15 ans… C’est beau la technologie.
L’année 2022-2023 est une année particulière pour moi (oui, je suis prof, je pense en années scolaires). Il a vu la publication :
d’une bande dessinée, La Prépa
d’un roman, Le Cimetière des éléphants
d’un recueil de textes, Les Territoires interdits
Le tout en autoédition. C’est également une année où je me suis relancé fortement dans la composition musicale et où j’ai continué la peinture. J’ai accepté depuis longtemps d’être un artiste protéiforme, mais il m’a semblé important de réfléchir à ma communication sur internet. Actuellement, j’ai trois domaines distincts :
Les créations graphiques (BD, peinture, illustration) avec Belzaran
J’ai fait le choix de réunir la communication en un point unique qui sera, sans surprise, le blog Belzaran.fr.
La fin de la bande-dessinée
Depuis des mois, l’envie de faire de la bande-dessinée m’a quitté. Les contraintes du genre ne me correspondent plus. Ainsi, je ne peux pas finaliser aussi bien les cases d’une BD comme je le fais pour mes aquarelles au risque d’y passer 20 ans. Pour ceux qui en douteraient, j’ai tenté de me remettre à de nouveaux projets, j’ai commencé la réalisation de planches, j’ai même dessiné des pages d’essai… Je ne suis pas arrivé au bout.
C’est à regret que j’arrête la bande-dessinée après tant d’année à chercher à m’améliorer. Mais sans flamme, sans envie, il m’est impossible de me forcer.
Cette décision (cet état de fait ?) m’oblige à repenser ce blog. D’abord blog d’illustration, il était vite devenu blog BD, puis un support pour webcomics. En cela, il a déjà pas mal évolué. Sans bande-dessinée, qu’y publier ? La logique est de continuer à y montrer mes productions graphiques, mais je pense que vous êtes plusieurs à suivre le blog aussi pour mes histoires.
Relier les projets
Ce risque de dispersion (où tout le monde ne serait pas intéressé par ce que j’y publie et déserterait), est en fait déjà en action. La fréquentation du blog est famélique depuis des années et une partie de mon audience me suit différemment, par les réseaux sociaux notamment.
Pour moi, tous mes projets sont en lien, de façon plus ou moins directe. Par exemple, je vais peindre la couverture d’un livre que j’ai écrit ou celle d’un album que j’ai composé. Dans plusieurs de mes textes déjà publiés, il y avait aussi des parties graphiques (des haïkus dans Chemins détournés, des reproductions de tableau dans Le Sauna).
Ce lien entre différents arts a été particulièrement évident sur mon évolution graphique. J’ai produit de nombreuses illustrations en lien avec mes bande-dessinées (notamment les personnages féminins). Mes progrès au pinceau, à l’aquarelle, puis dans le portrait sont venus d’abord de dessins de personnages de bande-dessinée. Un exemple intéressant est cette illustration que j’avais réalisée avec l’idée de faire une Chloé « humaine ».
Quand j’ai créé un nouvel avatar pour la littérature, Alexis Garehn, je voulais éviter de mélanger les genres, mais surtout me trouver un nouveau public. Cela a été un échec. Les personnes qui suivent mes textes suivaient aussi mes autres projets. J’ai finalement privé certains lecteurs intéressés par mes textes de ces derniers. En effet, certains ne m’ont pas suivi sur Facebook, ce que je peux comprendre. Désormais, je peux voir que c’était une erreur. Cela explique le retour de mes textes d’atelier sur ce blog depuis quelques semaines.
J’ai décidé de m’accepter comme artiste complet, dans le sens où tous mes projets, aussi divers soient-ils, portent ma marque. Certains préfèreront certaines domaines plus que d’autres, mais pour moi, tout est lié. Il n’est pas rare que j’ai eu une idée et que j’hésite sur comment la traiter : une chanson ? Un texte ? Une BD ? Une peinture ? Un bon exemple est mon projet La Chasseuse d’hommes dont j’ai travaillé la version longue à la fois comme roman et comme bande-dessinée.
Musique
J’ai pleinement conscience que la musique est le domaine qui vous intéressera le moins tant il est éloigné de la bande-dessinée. Cependant, j’y traite des mêmes thèmes dans mes paroles (mais qui écoute vraiment les paroles des chansons ?). Bref, vous aurez droit à quelques mises à jour du blog au niveau musical, mais elles seront rares : le temps de composition et d’enregistrement d’un morceau reste long.
Là aussi, il m’est impossible de me créer une nouvelle communauté qui pourrait s’intéresser à ma musique d’amateur, noyée dans une masse immense. Cela fait vingt ans que j’en compose et les publications sur les différentes plateformes ont toujours été un fiasco complet. La qualité de mon chant a certainement un part non-négligeable dans cet échec…
Comme un symbole, les statistiques de mon blog ne fonctionnent plus depuis quelques mois. J’ai tenté de les réactiver sans succès. Un mal pour un bien, je n’ai plus envie de les voir, de sentir dépérir mon audience. Au bout de quinze ans de blogging, me voilà débarrassé de ces données.
Aujourd’hui, je vous présente un nouveau texte d’atelier sur le thème du jeu.
J’en profite pour vous rappeler que je viens de publier deux ouvrages que vous pouvez commander auprès de moi si vous souhaitez avoir une dédicace. Afin de pouvoir en offrir certains à Noël, je vais procéder à leur commande dans les jours qui viennent, alors ne tardez pas trop !
Il m’a fallu des maux de dos récurrents et une remarque du médecin pour que je me retrouve à l salle de sport. J’ai une image négative de ces endroits saturés de bodybuilders davantage occupés à s’admirer dans le miroir ou à embrasser leurs biceps plutôt qu’à suer sur les machines. Mais dans la salle du quartier, au fon fond du dix-neuvième, je retrouve surtout des retraités ou des trentenaires venus s’occuper sur la pause du midi. Au moins, je ne me sens pas en insécurité avec mes mollets de coq et mes bras sous-développés.
Je commence ma séance sur un vélo d’appartement histoire de faire du surplace, une sensation que je connais bien. Je pédale face à une grande baie vitrées surplombant la patinoire. Là, les enfants et les adolescents s’agglutinent sur la glace, les uns s’agrippant au rebord, les autres filant à la vitesse du vent. À force de venir chaque semaine, je les reconnais. Ces après-midis passés à la patinoire sont pour eux une occasion de draguer. Si les filles cherchent les figures et les arabesques, les garçons taquinent la vitesse. Ils sprintent, puis, arrivés prêt de leur cible, freinent d’un coup et les aspergent de glace pilée. C’est un style de drague façon Cro Magnon, brut mais efficace à voir les visages ravis des jeunes filles. Je peux lire dans leurs pensées : « Il pense à moi. J’existe. » Sans doute leur enverront-elles des nudes ce soir. Cela me rappelle mes dix-sept ans quand nous nous étions rendus à la patinoire. Je n’avais pas voulu aller sur la glace ; j’ai l’équilibre précaire. Amélie m’avait tourné autour, je l’avais laissée venir à moi. Trop sans doute. C’est Olivier qui avait raflé la mise. Olivier qui l’avait cherchée sur la glace pendant que je lisais un roman sur le bord. C’était l’histoire de ma vie. L’avenir appartient aux audacieux, quel que soit leur QI.
Je me remémore tout cela en regardant les ados batifoler en bas. On dirait des pigeons qui se font la cour. Je les entends presque roucouler. Je me sens jaloux de ces petits merdeux, moi, célibataire à trente ans, le désespoir de Maman. Mais où trouver l’âme sœur dans ce Paris rempli de millions d’âmes anonymes ?
Soudain, une femme entre dans la salle. Une femme… Nous n’en avons pas vue depuis des semaines. J’observe son reflet dans la vitre, une belle blonde élancée qui semble aussi perdue qu’un nouveau-né. Elle disparaît au vestiaire. Malgré moi, je me retourne pour jauger mes adversaires. Ils sont trois, dont un grabataire. Je suis le plus jeune, de loin, mais je connais le goût des femmes pour les hommes mûrs. Le quadra au fond de la salle, qui regardait son téléphone depuis un quart d’heure, se remet subitement à pousser de la fonte.
Quand la jeune femme revient, nous sommes tous attelés à suer. Inconsciemment, je me suis mis à pédaler plus vite. J’atteins les cent-soixante-dix pulsations par minutes ; il y en a bien dix pour elle.
Elle empoigne un vélo à côté de moi, le regarde circonspecte, puis se tourne vers moi et me demande comme il fonctionne. Elle a un adorable accent étranger. Lequel ? Je ne saurais le dire. De toute façon, qu’il soit russe, tchèque, espagnol ou anglais, je le trouverais sexy. Même norvégien s’il le fallait.
— Il faut juste que vous pédaliez. Ça va se lancer.
Elle me remercie pendant que je me maudis. J’aurais dû descendre du vélo, lui montrer les programmes. Balancer le « c’est la première fois que tu viens ici ? », le brise-glace lanceur de conversation ultime. Mais non. Quel con ! Pour m’autoflageller, je monte d’un cran la difficulté du dérailleur. Mes cuisses protestent. J’espère que ma voisine de vélo me parle, mais j’oublie que j’ai sur les oreilles un casque débitant un podcast. Je n’ai rien écouté, rien retenu. France Culture battu en brèche par la belle culturiste. Alors je continue à pédaler, mais surtout dans la semoule.
Une fois épuisé, je descends de vélo pour aller travailler les muscles du dos. Comme toujours, je dois descendre le poids des machines. Les autres poussent quarante kilos, moi dix. Pendant que la fonte fait crier mes muscles, j’observe ceux de la belle bouger en rythme. Elle a mis ses écouteurs, se protégeant des inopportuns. Je n’ai pas l’intention de la gêner. J’ai lu Simone de Beauvoir, moi. Je suis aussi déconstruit que célibataire.
Épuisé par tous ces efforts vains, j’abandonne cette partie que je suis seul à jouer. Je descends au vestiaire. À quel moment ai-je pu espérer lui plaire ? Séduire une femme avec mon physique ? Il y en a bien qui aiment les crevettes, mais dans une salle de fitness, elles préfèrent l’étalon, la viande rouge premier choix. Je me change pour me rendre au sauna. Après avoir tant trimé, je l’ai bien mérité. Dans le couloir, je la croise. Je suis en slip de bain. Immédiatement, je rentre le ventre.
— Il y a un sauna ici ? demande-t-elle.
Les efforts lui ont donné des couleurs. Elle me paraît plus charmante encore.
— Heu, oui… Mais il est mixte, réponds-je.
Le meilleur moyen pour l’éloigner. Elle me regarde de haut en bas, puis ajoute :
— Il faut être en maillot de bain ?
— Heu… Oui…
Elle paraît déçue, voire dépitée. Peut-être est-elle vraiment norvégienne.
Je ne retrouve ainsi dans le sauna, rongé par l’attente. Elle se présente quelques minutes plus tard en maillot de bain deux pièces. Elle s’installe dans un coin, ferme les yeux, s’abandonnant à la chaleur. Je me redresse, tente de rentrer le ventre mais manque de m’étouffer à ne plus respirer. Je n’ose pas la regarder. Non pas que j’ai l’érection facile, mais parce que je ne veux pas la mettre mal à l’aise. J’ai lu trop de trucs féministes. À force, je n’ose plus parler, ni regarder les femmes. Je veux être un mec bien, mais les femmes veulent des bad boys. Comme le connard avec ses patins à glace de tout à l’heure. Il emmerde les filles, le chahute, les bouscule, les insulte… Ça l’amuse et ça les amuse. C’est le jeu de l’amour, il a ses règles tacites, ses vainqueurs, ses losers. J’ai toujours été le mec gentil qui se retrouve dans la friend zone dans passer par la case départ. Moi aussi je veux empocher la mise. Mais comment engager la conversation sans passer pour un gros lourd ? Comment lancer innocemment une discussion. Je me tourne vers elle, elle me regarde, ses yeux brillants au milieu de la peau écarlate. J’ai trop chaud. Je brûle. Il faut que je sorte. Je titube jusqu’à la douche et m’asperge d’eau glacée. Je gémis, tant du corps que de l’esprit. Soudain, une voix me demande :
— Tout va bien ?
Elle est derrière moi, l’air soucieux. Je ne sais que lui dire, alors je m’invente une excuse :
— J’ai eu une dure journée…
Elle fronce les sourcils et ajoute :
— Vous voulez qu’on en parle autour d’un café ?
Je n’aurais pas sué pour rien. J’ai obtenu un rencard en slip de bain.