Mon côté scientifique me fait apprécier particulièrement les statistiques. J’ai toujours aimé les analyser et chaque fin d’année est l’occasion de m’atteler à ce péché mignon. Même si en cette année 2014, mieux valait ne pas trop y regarder…
Je suis mes statistiques depuis 2010. Au départ, ces dernières m’étaient fournies par Over-blog. Mon déménagement sur mon propre domaine m’a fait changé d’outil. J’ai alors adopté Google Analytics, puis Statcounter. Actuellement, j’utilise Google Analytics qui est plus facilement visualisable et évite certains écueils de son concurrent. Il faut bien noter que chaque compteur de visiteurs donne des résultats différents, mais souvent cohérents entre eux. Voilà les résultats sur les statistiques de fréquentation sur Tout à l’Ego depuis les cinq dernières années.
Gros coup de frein cette année et c’est hélas la première fois que cela m’arrive. Même si le phénomène semble être généralisé dans la blogosphère BD, ce n’est pas toujours facile à admettre. Plusieurs autres facteurs viennent aussi expliquer cet état de fait :
la sortie du blog de la sélection étendue de blogsbd.fr,
l’arrêt de Salle des profs, mon projet le plus fédérateur en terme de lectorat,
la publication sur Vie de Merde qui a permis un pic de fréquentation en 2013.
Cette chute drastique de fréquentation a eu un effet réel sur ma motivation, très visible fin 2013. Il me fallu plusieurs mois pour commencer un nouveau projet et faire publier Salle des Profs. Un creux important, symbole d’une certaine lassitude et, avouons-le, d’une déception vis-à-vis de l’arrêt de mon « ascension ».
La fréquentation étant directement liée au rythme de publication, il est important de savoir combien de visiteurs viennent sur le blog un jour de publication. En 2014, au doigt mouillé, cela correspond à une centaine de visiteurs. Il y a un an et demi, je n’étais pas loin de 500 visiteurs dans la journée d’une publication.
Des visiteurs venus d’ailleurs ?
Cet état de fait doit être pondéré par le fait que je publie à d’autres endroits. Ainsi, mes planches se retrouvent sur trois autres sites web plus ou moins communautaires :
Amilova (80 à 120 visiteurs lors d’une publication)
Webcomics (20 à 40 visiteurs lors d’une publication)
BDamateur (pas de chiffres).
Ces visiteurs sont souvent uniques : ils ne lisent pas le blog en parallèle. Ainsi, lorsque je publie une planche, je peux estimer à un peu plus de 200 lecteurs mon lectorat (hors BDAmateur dont les lecteurs sont nombreux). Cela est cohérent d’ailleurs avec le nombre de « fans » de ma page Facebook (155, mais ce chiffre n’avance pas beaucoup).
L’avantage de ces sites est aussi de m’apporter des commentaires. Certains sont des encouragements (Webcomics), des réactions à l’histoire (Amilova) ou des remarques plus constructives (BDAmateur). Cela compense la chute de nombre de commentaires par articles également visible (mais non comptabilisé précisément). Pour info, je comptais une dizaine de commentaire par planche en 2013. Désormais, on tourne autour de trois/quatre de moyenne, rarement plus.
Quelle que soit l’analyse que l’on peut faire de ces chiffres, mon lectorat baisse ou du moins stagne. Et je vois mal quel type d’action je pourrais faire pour changer ça (surtout que les réseaux sociaux m’intéressent peu). Comme l’indique Phylacterium, la grande majorité des sélectionnés du Révélation Blog font du blog BD et non pas du webcomics. Or, je ne fais actuellement que de longues histoires. Peut-être ne suis-je plus du tout dans ce qui fonctionne, tout simplement.
Lorsque que l’on nomme son blog Tout à l’Ego, c’est que l’autobiographie est au centre de nos préoccupations. Outre un narcissisme exacerbé, je voue une véritable passion pour les autobiographies et plus encore pour les autofictions, que ce soit en bande-dessinée ou en littérature. Mais quel est l’impact réel sur l’auteur lorsqu’il écrit sur lui-même ou pire, sur ses proches ?
Tout à l’Ego fut ma première autobiographie. Basée sur l’anecdote du quotidien (comme la plupart des blogs de l’époque), mais également sur l’analyse de certains aspects de la vie, le but est avant tout humoristique. Déjà je m’amuse de l’impact que peut avoir la publication d’une planche, me permettant d’établir une vérité. Ainsi, l’allusion à mon anatomie démesurée deviendra un running-gag. Il y sera fait mention à plusieurs reprises et ce dans plusieurs projets différents !
Mais l’humour a ses limites. Lorsque j’ai tenté de faire de Tout à l’Ego quelque chose de plus riche, avec notamment un peu d’émotion, ce fut un flop complet. Perturbés par la tristesse de certains propos, les lecteurs enchaînèrent les remarques grivoises… J’arrêtais alors cette série qui n’était plus du tout adaptée à ce que je voulais faire. D’ailleurs, en montrant ma face plus sombre, je commençais à me soucier de l’impact que cela pouvait avoir sur mes proches qui lisaient mes planches.
Le Modèle Vivant est la première oeuvre que j’ai pu écrire par nécessité. La première raison est purement artistique. Suite à la lecture de plusieurs ouvrages sur la bande-dessinée indépendante et à la découverte de L’Ascension du Haut-Mal de David B., je me remets en question. Est-ce que faire des petites planches blog BD sont vraiment ce que je veux faire en bande-dessinée ? N’ai-je pas plus d’ambition ? Très limité dans mon dessin, j’hésite à me lancer dans un projet lourd et difficile cependant. Mais perturbé dans un trop-plein d’auto-analyse, je ressens également le besoin de coucher le tout sur papier. Ainsi, lors de nuits blanches (classiques lors des moments d’émergence de nouveaux projets), je finis par me lever et écrire ce qui me trotte dans la tête. Trois jours plus tard, la première page est dessinée.
Le Modèle Vivant est une projection de mon existence à plusieurs mois. Ainsi, le rapport entre mon existence fantasmée et la réalité fut une expérience enthousiasmante. Les problèmes de dédoublement entre le personnage et l’auteur donnèrent lieu à des situations assez cocasses. Mais aborder des sujets sérieux n’est pas évident lorsque l’on parle de soi. Ainsi se savoir lu par sa famille et ses amis pousse à s’auto-censurer. Même si je n’ai pas eu l’impression de limiter mon propos, j’avais bien conscience à la publication de certaines pages que cela pouvait heurter certaines personnes. Je n’ose même pas penser à ce que ça aurait été si j’avais eu des enfants ! A l’époque, vivre seul m’a permis d’éviter d’impliquer qui que ce soit d’autre.
Un impact inévitable sur l’entourage.
Malgré tout, l’impact existe quoiqu’il arrive. Quand le modèle dont est inspirée le personnage d’Émelyne se retrouve avec le livre en main et se voit dessinée, ce n’est pas facile à assumer (ndlr : dans la version papier, un croquis de modèle vivant réellement réalisé à l’atelier est montré). De même, le personnage de Cédric fut revendiqué par trois personnes ! Enfin, la badminton, baptisé dans la BD « paradis des fesses bien fermes » a eu son petit effet sur mes amis du club…
Le Modèle Vivant a clairement servi de thérapie (le mot est trop fort bien évidemment). C’est avant tout une oeuvre d’analyse qui m’a permis de prendre beaucoup de recul. J’ai surtout pleinement apprécié de jouer avec la réalité. D’où l’écriture de Salle des Profs dans la foulée, qui malgré son aspect autobiographique (puisque tout est vrai) est évidemment romancé. Et signe que tout allait mieux : ce nouveau projet était basé sur l’humour et était… en couleur !
Ce plaisir de l’auto-fiction continuera avec What About Sex ? publié lors des 23 heures de la BD. L’histoire, créée de toute pièce, fait quand bien même intervenir le personnage du lapin, mettant évidemment une ambiguïté sur tout ce qui peut y être raconté.
Salle des Profs est également né d’une nécessité, bien que tout autre que pour Le Modèle Vivant. Cela faisait longtemps que je voulais parler de mon métier, mais je ne trouvais pas de point d’accroche en salle de classe. Je me suis aperçu que j’avais bien du mal à utiliser les anecdotes du quotidien de collège pour écrire (bien que je le fasse sans mal à l’oral). Il y manquait une analyse, un fil rouge pour que cela me motive. Clairement, je ne voulais pas tomber dans un Tout à l’Ego au collège. C’est finalement mon retour en établissement qui m’a donné envie d’écrire sur mes collègues plus que sur mes élèves. Je partais sur un principe de chapitres (hérité de L’Éveil des Sens) qui me permettait de construire une analyse et pas seulement des anecdotes.
Au départ, je considère Salle des Profs avec un peu de dédain. Après toutes les exigences que j’avais mises dans Le Modèle Vivant, je trouve ce nouveau projet peu ambitieux. Je le démarre d’ailleurs sans trop savoir où je vais. Mais force est de constater qu’il correspond à mon plus grand succès sur la toile. A l’époque, je culmine à 500 visiteurs lors d’une publication, les commentaires sont nombreux, je dessine pour Vie de Merde et je vends plus de livres que précédemment, le prix étant pourtant plutôt élevé. J’aurais même droit à un coup de cœur chez The Book Edition ! De plus, de nombreux lecteurs insisteront beaucoup sur la qualité du projet et sur son potentiel éditorial. Le décalage entre mon ressenti et celui de mes lecteurs n’avait jamais été aussi grand !
Cependant, Salle des Profs est aussi le début des angoisses. Autobiographique, j’ai peur que le tout soit découvert par les profs et/ou les élèves. En cela, assumer au près des proches était finalement beaucoup plus simple… Malgré tout, j’ai fini par être convaincu par le potentiel du projet et travaille sur un version plus aboutie afin de la proposer à l’édition.
Assumer l’enfance, un défi plus facile à relever ?
Dernier cas d’autobiographie, L’Éveil des Sens est selon moi, depuis toujours, mon projet le plus fort. Démarré très tôt, il a pu mûrir et est un savant mélange d’émotion, de tendresse et d’humour. Construit sur une trame chronologique découpée en chapitres, il est facile à assumer dans le sens où tout ce qui arrive se passe pendant mon enfance. Ainsi, il est facile de se cacher derrière un « j’étais un enfant à l’époque ».
Déjà, alors que je prépare le tome 2 sur l’adolescence, je vois pointer tous les problèmes liés à l’arrivée de la sexualité (notamment l’onanisme, puisque l’on parle du collège). Cependant, la réussite d’une autobiographie réside parfois dans cette capacité à raconter la réalité (ou du moins celle retenue dans nos souvenirs) et de ne pas trop la travestir. N’est-il pas formidable d’entendre un lecteur me dire qu’une scène n’est pas possible alors que je l’ai vécue ?
Écrire une autobiographie, c’est s’analyser. Écrire une autofiction, c’est jouer avec la réalité. Deux façons de faire, deux plaisirs différents. Mais derrière toutes ces choses à assumer, reste la possibilité de la fiction. Et déjà, les problèmes surgissent aussi… Ainsi, un camarade d’atelier BD m’a dit : « tu peux m’aider à dessiner des coiffures de femmes, toi tu ne dessines que des nanas ! » Comme quoi, il faut accepter d’être jugé pour nos œuvres, qu’elles soient autobiographiques ou non…