Si vous suivez mon blog régulièrement, vous savez combien la couleur (numérique) me gonfle. Mais en même temps, dans le passé, dessiner des décors, tracer des perspectives ou des bords de cases me gonflaient aussi. Alors tant qu’à être obligé de le faire, autant essayer de le faire bien. Hélas, je n’ai aucun talent particulier pour « sentir » la couleur et poser des ambiances puissantes. Bref, comme dirait mon prof de dessin, je fais du coloriage. Triste constat.
La solution existe mais pose d’autres problèmes : la couleur directe. Je prend beaucoup de plaisir à manier le pinceau (rien de sexuel ici), mais ce n’est pas adapté à Jotunheimen. Rappelons l’un des rares tests effectués pour ce projet :
Problème : c’est certainement ce que j’ai fait de mieux en couleur pour le projet… Voilà qui est gênant puisque je ne veux rien faire en couleur directe, mais vu la souffrance que ça m’a valu pour Salle des Profs. Car scanner l’aquarelle, c’est un peu comme essayer de dormir en boîte de nuit. C’est possible, mais mieux vaut être bourré.
J’ai ainsi décidé de passer mon été à essayer de coloriser correctement mes planches. Cela revient à faire des essais, mais aussi des choix. Pour le moment, j’ai colorisé deux planches et ce n’est pas en soit un grand succès. Dans les faits, ça donne du volume au dessin et une meilleure visibilité et le plus est indéniable. Mais côté ambiance, c’est zéro pointé.
Franchement, c’est pas top, mais ça rend la planche beaucoup plus lisible.
Le souci, c’est que pendant longtemps la bande-dessinée a souffert de cet aspect de coloriage. Depuis quelques années, l’amélioration des techniques d’impression ont permis aux auteurs de se lâcher et de réaliser des couleurs qui donnaient un plus indéniable à leurs ouvrages. Quelques exemples pour la route. Mes références sont essentiellement les aquarellistes parce que j’adore ça. Et forcément, c’est super beau.
Extrait du troisième tome du Vent Dans les Saules par Michel Plessix.
Alors là, c’est sûr, niveau ambiance, c’est posé. Il fait nuit en bord de rivière, tout est légèrement bleuté. C’est juste magnifique. On est loin d’un coloriage ! L’histoire en question est d’une poésie sans nom. La couleur y est pour beaucoup.
Extrait du quatrième tome de Blacksad par Guarnico et Diaz Canales
Même s’il est un peu facile de dire « j’aimerais tant faire des choses aussi belle que Guarnido » (quand on fait de l’animalier, c’est un peu LA référence ultime), on peut voir ici son talent pour la couleur en tant que telle et les ambiances qui en découle. La palette de couleurs chaudes retranscrivent bien la chaleur et la lourdeur de la Nouvelle Orléans. Ça n’empêche pas quelques touches de gris/bleu (pour le jean) ou de vert (qui tire quand même sur le jaune).
Extrait de Route 78 par Eric Cartier
Moins virtuose dans le dessin et la couleur, « Route 78 » m’a fortement marqué graphiquement. La palette de couleurs restreinte, jouant sur les oppositions, est très réussie et m’a vraiment fait réfléchir sur le sens que je voulais donner à mes propres couleurs pour Jotunheimen. C’est la base de cette réflexion que vous êtes en train de lire. L’auteur ajoute des restes de crayonnés sur sa planche qui donne aussi de la texture à l’ensemble.
Extrait de Secrets, L’Angélus Tome 1 par Giroud & Homs
Là encore les ambiances sont posées avec peu de couleurs. Le dessin est vraiment sublimé par la colorisation qui lui donne beaucoup de force. L’encrage, très discret, permet aussi d’adoucir l’ensemble. Une grosse claque graphique.
Évidemment, il est facile de se masturber sur des grands dessinateurs en espérant un jour les rejoindre au panthéon. Mais il est aussi anormal de se contenter d’un résultat médiocre. Dans le meilleur des mondes, un formidable coloriste ferait le boulot à ma place, mais lorsque l’on est amateur, ce n’est pas possible.
Cherchez une âme ici, vous n’y trouverez rien. Malgré quelques efforts d’unification des teintes (les arrière-plans des cases 3 et 4), c’est un coloriage qui me rapproche d’autant plus de la ligne claire que je rejette (et qu’on me lance au visage en permanence).
Pour conclure, citons un gentil lecteur qui m’a dit, spontanément : « Je ne sais plus si je l’ai déjà dit (…), mais ton noir et blanc est très lisible, la mise en couleurs me parait superflue. » Si je n’obtiens pas ce que je veux, il n’est pas impossible que je tire un trait (hi hi) sur la couleur.
Les critiques des BDs citées sur Blog Brother :