La Prépa continue. Fin de l’épisode 2 qui racontait les premiers cours et khôlles de nos taupins. Une petite pensée pour les élèves de maths sup de 2018 qui découvrent actuellement tout ça… Courage !
Étiquette : planche
La Prépa #10
Une nouvelle planche pour La Prépa ! J’essaie de publier toutes les semaines mais c’est difficile de tenir le rythme à chaque fois selon les impératifs.
Travailler en parallèle
Depuis la fin de Jotunheimen, je m’efforce d’améliorer mon efficacité au dessin. La bande-dessinée est un art long et exigeant et il faut savoir mener son projet sur de longs mois (ou années). Ainsi, je travaille en parallèle pour avancer plus vite.
La réalisation d’une bande-dessinée comporte les étapes suivantes :
- Écrire le scénario
- Faire les études de personnages
- Réaliser le storyboard
- Réaliser le crayonné des pages
- Encrer les pages
- Coloriser les pages
Première mise en page
Je vous présente aujourd’hui mon premier test de page pour La Prépa. J’avais déjà fait un essai, mais sans les personnages principaux. Ici, je voulais tester deux nouvelles techniques :
- Ne pas mettre de contours noirs aux cases
- Dessiner les bulles sur une autre feuille.
Conclusion du jour : je ferai des contours aux cases ! J’aime bien ça et ça simplifiera beaucoup de démarches de nettoyage de planches (voire même le scan).
Pour les bulles, cela marche parfaitement de les dessiner à part et de les incorporer ensuite numériquement. Ça permet de les placer parfaitement et ça simplifie l’aquarelle.
J’ai également testé une technique simple pour vivifier mon scan et d’éviter qu’il soit fade. Le résultat est suffisamment proche du résultat pour me convenir.
Maintenant, comme on dit, y’a plus qu’à… Au boulot !
Pour info, comme il y a des bavures et deux ou trois trucs qui ne me plaisent pas, cette planche sera refaite. L’avantage est que j’ai toujours mon crayonné !
Le café du lapin
J’ai envie de dire « plus que deux pages ». Je croyais avoir envie de freiner des 4 fers, car il est difficile de finir un projet (et ses personnages), mais j’ai très envie de passer à la suite, La Prépa. Vivement que ce soit terminé et que je dessine autre chose, autrement !
Recomposer la planche
Ma dernière planche a eu droit à un traitement particulier de recomposition des cases. Petite étude de cas avec la page 55 sur comment équilibrer sa planche.
La planche 55 montre Laura au sol, blessée, et Alexis s’occupant d’elle. Elle manque forcément de mouvement et il fallait varier les plans pour animer l’ensemble. Voilà à quoi ressemblait la première version :
Un peu de symétrie
L‘intérêt de travailler sur une bande-dessinée à la mise en page « classique » est de pouvoir la modeler. La mise en scène se révèle alors plus ambitieuse et permet des expérimentations plus intéressantes que le simple alignement de cases ou le gaufrier.
Retour sur la dernière planche publiée de Jotunheimen (la seizième donc). Cette page est destinée à montrer le personnage effectuer une correspondance en car au milieu de nulle part. Voilà le magnifique scénario correspondant tel qu’il est griffonné dans mon classeur. Si vous voulez éviter les spoils, ne lisez pas tout en bas (même si ça ne raconte pas grand chose).
Le cheminement est donc le suivant :
- Alexis est dans le car n°1
- Alexis descend du car n°1
- Alexis attend le car n°2
- Alexis monte dans le car n°2
- Alexis est dans le car n°2
On remarque à la simple lecture du cheminement qu’il y a une symétrie centrale dans cette page. Le point 3 est le point de symétrie de la scène. J’ai ainsi eu l’idée de créer un point de symétrie également dans la planche. Et cela, dès le début. Car votre esprit aiguisé a tout de suite remarqué, dans le scénario, le détail suivant :
Même si cela ne change pas grand chose dans la lecture, il me semble que ce genre d’effet crée, inconsciemment, un renforcement de la narration.
De la bande-dessinée en palindrome.
C’est en lisant l’ouvrage « Lire la bande dessinée » de Benoît Peeters que je découvre cette construction, dite en palindrome, des planches ou des albums. Pour rappel :
Palindrome : figure de style désignant un texte ou un mot dont l’ordre des lettres reste le même qu’on le lise de gauche à droite ou de droite à gauche.
Deux récits sont alors cités, qui vont me marquer. Le premier, assez incroyable, est « The Upside-Downs of Little Lady Lovekins and Old Man Muffaro » de Gustave Verbeek (même le titre de l’oeuvre semble être à double-sens…). L’auteur propose 64 planches de 6 cases qui peuvent être lues à l’endroit ou… à l’envers ! La prouesse de narration et graphique est incroyable !
Dans la même lignée, les frères Luc et François Schuiten proposent, pour le troisième tome de leur série « Terres creuses » un ouvrage ou il existe un basculement en milieu d’album. Les planches deviennent alors symétriques aux précédentes. Après 36 planches, on passe à la planche 36′, puis 35′, etc. Le titre, « Nogegon » est d’ailleurs un palindrome.
Plus modestement, je me suis appliqué à l’appliquer sur une planche où cela me paraissait pertinent. Alexis devient donc le point central et de symétrie de la planche. C’est ainsi que j’aboutis à un storyboard qui reprend cette idée.
Je vous laisse apprécier les différences avec la planche finale, souvent mineures mais essentielles :
- Case 2 : la vue de loin permet de montrer qu’on est dans un coin perdu
- Case 3 : la vue de face crée un face-à-face entre Alexis et les autres passages. Cela renforcement son isolement, mais aussi sa différente façon de voyager.
- Case 5 : simple changement de côté pour éviter la redondance avec la case 6 (particulièrement visible sur le storyboard !).
Le résultat est le suivant, avec le point de symétrie central :
Le comparatif case à case rend la symétrie encore plus évidente. Le premier parallèle montre Alexis assis dans le car. Ce sont les « avant » et « après ».
Le deuxième parallèle montre le dialogue Alexis-chauffeur. Alexis est dans le questionnement, une pointe de stress. Le chauffeur est, lui, évidemment, dans la décontraction, créant un décalage et renforçant l’image d’un personnage un peu angoissé sur les bords.
Le troisième parallèle montre des cases sans dialogues, où le contraste entre le car et Alexis est mis en avant. Le héros apparaît en grisé, se situant dans un plan clairement différent que le car. Cela renforce l’isolement, Alexis ne se sentant plus en sécurité une fois hors du car, le véhicule étant vu comme un forme de cocon protecteur.
La case centrale, qui sert de point de symétrie, sort du cadre pour imposer sa présence. Elle sert également d’axe de symétrie : la partie haute et basse se répondent de façon évidente (le haut pour le premier car, le bas pour le deuxième).
L’usage d’une case longue et peu haute permet d’intensifier l’impression d’isolement du personnage.
Cette planche a été conçue d’une manière particulière. Plus originale que la plupart des planches, il est bon d’intégrer ce genre de réflexion à la création, afin de pousser un peu plus loin son projet. Pour cela, rien de mieux que de lire et relire de grandes bande-dessinées et des ouvrages d’analyse de ces mêmes ouvrages. Ça stimule l’imagination et pousse à être plus ambitieux pour ses projets, fussent-ils confidentiels.
Quelques sources sur les projets cités :
Lire la bande-dessinée de Benoît Peeters
Un livre passionnant à lire absolument ! Cela regroupe les analyses des planches et ouvrages les plus novateurs de la bande-dessinée. Très stimulant pour les auteurs.
Critique de Nogegon de Luc et François Schuiten chez kUlturOpat.
Éteindre la télévision
Après avoir refait la deuxième case de Jotunheimen, une autre case se devait d’être retravaillée. La problématique restait la même : incapable de faire ce que j’avais en tête au départ, j’avais modifié l’idée de départ et le compromis ne s’est pas révélé satisfaisant.
Même si on pourra m’accuser d’être obsédé par la perspective, c’est encore à une case vue de profil que je m’attaque. La case en soit est efficace. On voit Alexis en train de regarder la télévision, allongé dans le lit. Mais voilà que mes lecteurs me font des remarques pertinentes :
« Tu fais une perspective à 2 points de fuite première case, une à un dans la seconde et une à 0 ! pour la troisième !? Du coup la troisième ça fait un peu hiéroglyphe.» Madmarigan
« La case finale (…) fait redondance avec les positions de la planche précédente, quand il est assis à peindre. Même orientation, même point de vue.» Isangeles
L’explication en image :
Même si dans la bande-dessinée, ces deux planches ne seront pas en vis-à-vis (mais devant-derrière), cela pose problème. Surtout, dans l’idée de départ, on voit Alexis regarder la télévision, celle-ci se retrouvant au premier plan. J’avais donc choisi une solution de facilité, n’arrivant pas à réaliser cette case. Je suis donc reparti en quête de cette case telle que je l’avais imaginée et crobardée sur mon storyboard.
Je me suis aperçu qu’il était plus facile de trouver une photo de référence de quelqu’un lisant au lit plutôt que quelqu’un qui regarde la télévision. Or, la lecture est plus cohérente ici pour le personnage d’Alexis. La télévision en Norvège, voilà quoi…
J’ai posé les deux points de fuite et une fois les meubles dessinés, il n’était pas bien difficile de dessiner Alexis dans son lit. J’ai pu aussi mieux anticiper les récitatifs et placer les textes de façon plus naturelle. Ils comblent les vides.
Voilà le résultat final :
Ce sera tout (pour le moment ?) concernant les refontes des cases précédentes. Il est temps de travailler sur les décors naturels qui remplaceront les architectures lorsque la randonnée commencera !