Septième semaine à l’atelier. Après l’objet et le personnage, nous devions travailler sur le vêtement comme vecteur de souvenirs ou de sensations. Voilà un sujet qui ne m’inspirait guère… Et quand j’ai enfin eu des idées, je n’ai pas eu le temps de les mener (en 45 minutes, je le rappelle). Peut-être pour plus tard ?
Elle était en retard. Mauvais présage. Après des semaines de séduction, de sous-entendus en discours implicites, ces cinq minutes étaient de trop. C’était le doute qui faisait déborder mon âme. Peut-être voulait-elle seulement me faire languir ?
Quand elle apparut enfin, j’en fus désemparé. Je l’avais imaginée sous toutes les coutures, mais pas endimanché. Endimanchée dans le sens des jeunes femmes d’aujourd’hui. Celles qui passent leur dimanche à regarder leurs séries. Celles qui sirotent leur thé dans les bras de leur canapé. Celles qui portent survêtement et pantalons de yoga, chaussettes en laine épaisse et pantoufles koala.
Pour tuer mon désir, elle n’avait eu qu’à s’enlaidir. Elle portait un jean déchiré, délavé, démesuré qui ondulait à chacun de ses pas. Ces derniers étaient lourds, martelés par d’épaisses Doc Martens noires. Ils battaient le pavé, écrasant mégots et chewing-gums. Les pigeons fuyaient sur leur passage. Et son tee-shirt rock, vert kaki cassant, semblait d’un autre temps. On y lisait Queen Of The Stone Age. La reine de l’âge de pierre… Un nom prophétique ce jour-là. Ainsi vêtue, on aurait dit une adolescente. Un doute m’étreignit soudain : était-elle seulement majeure ?
Elle me fit la bise et me sourit. Vaincu, je fus beau joueur : je l’invitais à boire un verre. Comment n’avait-elle pas compris ? Ne me voyait-elle que comme un ami ? Et pourtant son sourire, ses yeux et ses mains ne mentaient pas. J’y voyais le désir. J’y voyais l’avenir. Il fallait que je voie ce qu’il y avait sous ces vêtements. Peut-être étaient-ils affriolants ?